Smart Grids : Réseaux électriques à l’heure de la révolution des données
Retour sur le développement des smart grids et sur les opportunités offertes aux utilities par l’exploitation des données qui proviennent de ces nouveaux réseaux de distribution d’électricité.
Les smart grids ou réseaux électriques intelligents se développent de plus en plus en France et partout dans le monde pour répondre aux enjeux relatifs à la production et à la distribution d’énergie électrique. Retour sur le développement des smart grids et sur les opportunités offertes aux utilities par l’exploitation des données qui proviennent de ces nouveaux réseaux de distribution d’électricité.
Les particuliers français n’auront bientôt plus à se soucier de transmettre chaque année à Enedis le relevé de leur compteur électrique. Depuis 2015, Enedis déploie le compteur d’électricité nouvelle génération Linky. D’ici 2021, 90% des anciens compteurs d’électricité français devront avoir été remplacés par ces nouveaux compteurs.
Ces compteurs intelligents (en anglais smart meters) ne sont pas une exception française. En vogue depuis quelques années déjà dans certains pays pionniers comme le Japon, l’Italie et la Suède, leur nombre va croissant dans nombre de pays.
Ces nouveaux appareils ne représentent qu’une partie des changements à l’œuvre dans le domaine de la distribution d’électricité. En France et ailleurs, les réseaux électriques évoluent pour répondre aux mutations du paysage énergétique.
Les mutations du paysage énergétique
Les acteurs de l’énergie électrique doivent faire face à des changements multiples concernant la production, le transport, la distribution et la consommation d’électricité.
L’augmentation de la demande d’électricité
La consommation d’électricité augmente dans pratiquement tous les pays du monde avec l’augmentation de la consommation électrique individuelle et la croissance démographique. Des pratiques de consommation d’électricité déjà existantes se renforcent (chauffage électrique, climatisation…), alors que de nouvelles pratiques comme la voiture électrique se développent.
Le développement de nouvelles sources d’énergie
L’essor des sources d’énergies renouvelables telles que l’éolien et le solaire représente un défi en termes d’intégration avec le réseau de distribution d’électricité existant.
Des sources d’énergie intermittentes
Parce que le vent ne souffle pas en permanence et que le temps n’est pas toujours au beau fixe, l’énergie solaire et l’énergie éolienne sont par nature intermittentes. Il est donc nécessaire de mettre en place des méthodes spécifiques de gestion de l’énergie pour pallier les variations de la production électrique résultantes de ces nouvelles sources d’énergie.
Une production d’électricité de plus en plus décentralisée
Ces nouvelles sources énergies s’ajoutent à celles déjà existantes : thermiques, nucléaires et hydroélectriques notamment. On assiste à une multiplication des structures qui produisent de l’électricité, ce qui induit une complexité supplémentaire à gérer sur les réseaux de distribution. Il faut concilier petits, moyens et gros producteurs d’énergie, énergies produites régulièrement et énergies produites de façon intermittente.
De consommateur à consommateur-producteur
Par ailleurs, les consommateurs d’énergie peuvent désormais être eux-mêmes producteurs d’énergie en ayant par exemple des panneaux solaires sur leur toit. Ceux-ci-doivent être raccordés au réseau et être en mesure d’y injecter l’électricité produite. Le réseau électrique existant, conçu à l’origine uniquement pour la distribution d’électricité, ne suffit plus.
De nouveaux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique
Enfin, il s’agit avant tout de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre en améliorant l’efficacité énergétique du réseau, en diminuant la consommation électrique et en permettant une gestion rationalisée de l’énergie.
En ce qui concerne l’Union Européenne, le cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030, adopté par les dirigeants de l’UE en 2014, fixe trois grands objectifs pour 2030 :
- La réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport aux niveaux de 1990.
- Une part de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’UE.
- L’amélioration de l’efficacité énergétique.
Face à ces défis, il a été nécessaire de faire évoluer le fonctionnement des réseaux électriques traditionnels, d’où le développement des smart grids.
Les smart grids : définition
Les réseaux électriques intelligents (en anglais smart grids) ont pour but d’optimiser la production, la distribution et la consommation de l’énergie électrique. Il s’agit d’intégrer au réseau électrique existant (power grid) des technologies de l’information et de la communication pour le rendre « intelligent » (smart grids).
Plus précisément les smart grids doivent permettre :
- De réduire les coûts associés à la production et à la distribution de l’électricité.
- D’augmenter l’efficacité énergétique de l’ensemble du réseau.
- De lisser les pics de production énergétique.
- D’améliorer la flexibilité du réseau en équilibrant à tout instant l’offre et la demande en électricité.
- D’améliorer la fiabilité du réseau.
Puisque la smart grid vise notamment à améliorer la performance des services urbains, elle est souvent vue comme une composante clé de la Smart City, la ville intelligente de demain.
Rendre les réseaux électriques intelligents
Les smart grids doivent prendre en compte l’ensemble des éléments constitutifs du réseau électrique (unités de production, matériels de stockage d’énergie, lignes de transport d’électricité…) et assurer un fonctionnement cohérent et optimal.
Pour ce faire, il est nécessaire de contrôler d’un bout à l’autre la chaîne de distribution d’énergie en collectant en permanence de l’information sur les opérations en cours. Des technologies de mesure et de contrôle sont déployées sur tout le réseau électrique et reliées à un réseau informatique. À l’une des extrémités de la chaîne, les compteurs électriques intelligents mesurent la consommation des clients et font remonter l’information vers le gestionnaire du réseau.
Assurer la communication entre les différents éléments du réseau intelligent
Gérer la complexification du réseau électrique
On l’a vu, l’essor des sources d’énergies renouvelables constitue un défi pour les réseaux électriques traditionnels. La production d’énergie est décentralisée et multiple. Par ailleurs, il est nécessaire de gérer les sources d’énergies renouvelables intermittentes.
Cette complexification de la production d’électricité nécessite une communication permanente entre les différents éléments du système pour connaître et répartir à tout moment l’électricité disponible.
Adapter la demande à l’offre
Pour les réseaux électriques traditionnels, l’offre s’adapte en permanence à la demande. Cette flexibilité de l’offre a parfois un coût financier et environnemental important lorsqu’elle implique de démarrer une centrale thermique pour répondre à un pic de demande. Les smart grids proposent, en plus de la flexibilité de l’offre à la demande, une flexibilité de la demande à l’offre.
La flexibilisation de la demande s’appuie notamment sur l’anticipation des hausses de la consommation et sur l’incitation des consommateurs à reporter leur consommation d’énergie lorsque cela est nécessaire. Cela implique que les consommateurs puissent envoyer et recevoir de l’information via le réseau électrique.
La mise en place d’une communication bidirectionnelle
Pour les deux raisons avancées ci-dessus, les réseaux électriques doivent permettre aux acteurs et composants d’échanger des informations sur un modèle à la fois top-down et bottom-up. La communication unidirectionnelle en vigueur sur les réseaux électriques traditionnels laisse place, sur les smart grids, à une communication bidirectionnelle et multilatérale.
Par exemple, un parc éolien communique au distributeur d’énergie la production électrique disponible grâce à des compteurs intelligents. À l’autre extrémité du réseau, les clients peuvent suivre leur consommation en électricité via des applications web dédiées. Des services comme Opower permettent aux distributeurs d’énergie de communiquer avec leurs clients. Le but étant d’inciter ces derniers à consommer l’électricité lorsqu’elle est la plus disponible.
Smart grids, où en est-on aujourd’hui ?
Terme à la mode s’il en est, les smart grids concentrent beaucoup d’espoirs et beaucoup de fantasmes. Le prospectiviste Jeremy Rifkin allant jusqu’à en faire un des piliers de la Troisième Révolution industrielle qu’il appelle de ses vœux.
On est aujourd’hui encore loin d’un système électrique complètement intégré et parfaitement optimisé. Certaines technologies nécessaires pour rendre les réseaux plus intelligents sont encore en déploiement. De nombreux projets de smart grids sont encore en phase de recherche et développement. Mais les premières initiatives sont là. Déjà, des segments de réseaux ont été rendus intelligents et les données commencent à affluer. Il s’agit désormais d’exploiter les potentialités offertes par ces données pour découvrir si les smart grids tiennent leurs promesses.
Dans la seconde partie de notre article sur les réseaux intelligents (Smart Grids), nous nous pencherons sur comment exploiter les données générées par les Smart Grids.
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