Entretien avec Marie Auriemma pour Issy-les-Moulineaux
Entretien avec Marie Auriemma pour Issy-les-Moulineaux. Retour sur le projet de partage des données de la ville.
Bonjour Marie ! Pour commencer, pourriez-vous nous en dire plus sur votre rôle au sein de la mairie de la ville d’Issy ?
Avec plaisir ! Je suis en charge de deux projets à la mairie d’Issy : d’une part, du déploiement du guichet unique IRIS et d’autre part, de tout ce qui touche à la ville numérique. Notre guichet unique, appelé IRIS, a pour but de diriger vers le service concerné les demandes effectuées par téléphone, par e-mail, par courrier ou directement à l’accueil du centre administratif municipal. Et puis, c’est dans le contexte de la ville numérique que j’ai rejoint la démarche open data. Au niveau de la ville, je suis la coordinatrice principale pour cette initiative mais je m’appuie également sur un référent dans chaque service de notre administration. Cette démarche open data était initialement pilotée par la SEM ISSY MEDIA, en charge de la communication et de l’innovation pour la ville. Mon équipe en a pris la relève il y a maintenant deux ans de cela.
Justement - revenons sur la genèse de ce projet de partage de données. Quand a-t’il était lancé et avec quels objectifs de base ?
Issy-les-Moulineaux est une ville pionnière dans les usages numériques depuis le milieu des années 1990. Notre développement est étroitement lié à l’innovation, avec le triple objectif de renforcer l’attractivité de notre territoire, de moderniser nos services publics locaux et d’anticiper les nouveaux usages auprès de la population. En février 2012, lorsque la Municipalité a adopté une démarche open data, c’est le budget primitif qui a été le premier jeu de données publié. C’était un signal fort pour démontrer son attachement à la transparence des décisions publiques, l’un des axes forts de l’open data.
Dans un deuxième temps, il était également question de mettre à disposition des développeurs des données réutilisables qui pourraient donner naissance à de nouveaux services. Et puis, en fin de compte, l’administration avait également en tête un objectif de meilleur partage des données au sein de ses propres équipes afin de gagner en productivité et atteindre une meilleure fiabilité des données.
Pensez-vous avoir atteint ces objectifs ou le raisonnement a-t-il évolué depuis le lancement du portail open data?
Oui, bien que j’estime que nous avons avancé sur les trois objectifs mentionnés ci-dessus (transparence, innovation, efficacité en interne), il est clair que tout ne s’est pas fait dès le départ. Nous avons vraiment commencé avec une orientation de communication en externe, avec les citoyens au cœur de nos actions. Par exemple, les premières données qui ont été mises en ligne ont donné naissance à notre rapport financier, qui était en soi une action inédite pour un acteur du secteur public. Nous avons mis ces données en ligne sur la plateforme open data mais, plus encore, nous les avons retravaillées à maintes reprises pour qu’elles soient lisibles par tous les citoyens, qu’ils aient ou non des compétences financières et fiscales. Cet exemple illustre bien notre approche initiale et notre objectif de communication citoyenne.
En interne, cela a pris un peu plus de temps. Une fois que nous avons pu exploiter le bénéfice des données publiques pour nos citoyens, nous nous sommes attardés un peu plus sur le profit que nos équipes internes pourraient en tirer. Nous sommes actuellement au cœur de ce sujet. Nous travaillons sur des tableaux de bord en interne avec des indicateurs qui s’appuient sur le portail open data de manière à ce que, à la fois les élus, mais aussi l’ensemble des services bénéficient de tableaux de bord globaux sur lesquels figurent les activités des différents services, les grands chiffres clés, les objectifs à signer et l’atteinte ou non de ces objectifs.
Vous vous appuyez sur la plateforme Opendatasoft pour fournir des informations précieuses à vos équipes ainsi qu'à vos citoyens. Avez-vous pu en adapter l’usage pour répondre aux différents objectifs de votre démarche ?
Tout à fait ! La plateforme Opendatasoft nous offre beaucoup de flexibilité en matière de traitement des données. Avec un même jeu de données, nous pouvons créer des représentations différentes en fonction des informations que nous voulons mettre en avant ou le public avec lequel nous souhaitons les partager. Nous pouvons facilement traiter ces données et les présenter sous format graphique, tabulaire ou cartographique.
Grâce à la flexibilité et la facilité d’usage de l’outil, nous avons pu en faire notre source centrale et unique de données. En même temps, nous utilisons énormément les options de partage proposées par la plateforme pour diffuser les données sur nos autres canaux de communication comme, par exemple, sur notre site internet. Nous avons ainsi créé une carte sur le portail Opendatasoft pour présenter les établissements scolaires publics et privés de tous niveaux. Nous l’avons ensuite insérée dans un article sur ce même sujet sur notre site internet afin de contextualiser au mieux les données.
Comment mesurez-vous l’impact ou la réussite de votre projet open data ?
C’est une bonne question ! En interne, c’est vraiment en calculant le gain de temps de nos équipes que nous pouvons mesurer la réussite du projet. Par exemple, pour la mise en ligne des délibérations du conseil municipal, nous devions auparavant publier les données sur notre site internet, sur notre plateforme intranet et sur le portail open data. En faisant de notre portail open data notre seule et unique source d’information, nous avons pu charger ces données seulement sur le portail open data et, en utilisant des raccourcis, nous avons pu les diffuser facilement sur les autres supports sans lancer une manipulation supplémentaire. Cette démarche a pu diviser en trois le temps de travail de la personne en charge de cette tâche.
En ce qui concerne les citoyens, l’impact est un peu plus difficile à mesurer. Souvent les citoyens ne se rendent pas compte du pouvoir de ces données et de leur omniprésence sur nos supports de communication. Prenons par exemple la carte des établissements scolaires dans l’article sur le même sujet sur notre site internet. Le lecteur ne sait pas forcément que ces données ont été tirées du portail open data. Néanmoins, le lecteur a accès aux données fiabilisées issues du portail open data. Plus nous exposons nos citoyens aux données publiques, plus l’impact grandit.
L'acculturation à la donnée a-t-elle été difficile pour les équipes de la mairie ?
C’est un processus en cours. Jusqu’à récemment les employés de la mairie n’avaient pas besoin d’accéder à la plateforme en tant qu’administrateurs. Ils s’en servaient comme n’importe quel citoyen. Maintenant, ils prennent part à des groupes de travail afin qu’ils puissent développer au mieux l’usage de la plateforme. Dans un deuxième temps on pourra réfléchir à des discussions autour de leurs retours d’expérience, et ce, concernant des modules spécifiques. En fonction de nos besoins, nous bénéficions d’ailleurs de l’appui d’Opendatasoft pour de tels événements. Ils nous ont rejoint pour un projet sur la refonte de la page d’accueil de notre portail, de la personnalisation du jeu de données pour les établissements scolaires et la mise en ligne de celui des élections européennes.
Quel conseil auriez-vous à donner au maire d’une ville qui aimerait se lancer dans une démarche open data ?
Je lui dirais probablement qu’il ou elle a tout intérêt à le faire de manière concertée avec d’autres structures qui sont passées par le même chemin. D’une part, le retour d’expérience est essentiel afin que le projet puisse aboutir de la manière la plus efficace qui soit. D’autre part, j’estime qu’il est important de s’associer à d’autres acteurs de sa région ou de son écosystème pour que les données soient d’autant plus exploitables et pertinentes.
Nous avons ce type de structure pour le travail que nous faisons dans le cadre de Grand Paris Seine Ouest. Le but est que les référents de chaque ville puissent se coordonner afin de produire les mêmes données sur un territoire plus vaste. Plus nous élargissons notre cercle de partage, plus nous aurons des données pertinentes à exploiter.
J’imagine que la gouvernance des données devient particulièrement importante à ce moment-là ?
Oui tout à fait ! Nous sommes actuellement en train de nous coordonner pour savoir quel type de données on publie en premier. Cela permet de partager les bonnes pratiques et de mutualiser les retours d’expérience et au final gagner du temps. C’est bien plus productif que d’expérimenter chacun de son côté.
Comment voyez-vous évoluer le projet de partage de données de la ville d’Issy ?
La démarche open data est en train de s’enrichir avec un certain nombre de projets qui sont plutôt du type big data, données issues de capteurs.
Les données sont essentielles pour s’inscrire dans une démarche de Smart City. Car ce sont elles qui nous permettront d’identifier plus efficacement nos marges de progression, notamment dans des domaines clés comme les économies d’énergies et le développement de modes de transports moins polluants.
La Ville s’investit aux côtés de partenaires économiques privés dans deux projets d’ampleur : Issy Grid et So Mobility, dans lesquels la collecte, l’analyse et le partage des données sont indispensables pour construire des outils d’aide à la décision. Nous avons déjà développé un service en open data pour mettre à disposition les données de disponibilité des places stationnement, en voirie ou en ouvrage, pour fluidifier les trajets des automobilistes. Nous participons aussi, via la SEM ISSY MEDIA à des projets européens sur le sujet, comme POLIVISU. Là encore, il s’agit de développer des outils de visualisation permettant, à partir de données existantes, d’aider à la décision des élus.
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