Open Data Maturity report 2024 : mesurer et accroître l’impact de l’open data
Les gouvernements partagent-ils efficacement leurs données avec les citoyens et les entreprises ? Le dernier rapport sur la maturité des données ouvertes évalue les progrès en Europe et souligne l’importance de mesurer l’impact et d’améliorer les portails de données.
Le partage des données est essentiel à la productivité, la prise de décision, l’innovation et la transparence. Ceci est tout particulièrement vrai dans le cas du partage des données via les portails de données ouvertes nationaux. Ces portails permettent non seulement d’encourager la participation citoyenne, mais aussi de générer de nouveaux cas d’usage qui auront un impact positif sur le plan économique, environnemental et sociétal.
Compte tenu de l’importance de l’enjeu, de nombreux pays et territoires (notamment les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni), imposent aux autorités de partager les données publiques avec les citoyens, les entreprises et d’autres organismes publics. Pour encourager cette démarche et diffuser les bonnes pratiques, la Commission européenne (CE) évalue chaque année ses 27 membres, ainsi que les pays candidats et ceux de l’Association européenne de libre-échange (AELE), dans le cadre d’un rapport sur la maturité des données ouvertes. Nous aborderons dans cet article les principales tendances pour 2024, ainsi que les enseignements à retenir pour les organisations des secteurs public et privé.
Comprendre le niveau de maturité open data
L’édition 2024 du Rapport sur la maturité des données ouvertes (ODM) de la Commission européenne, qui fête ses 10 ans, est la plus complète à ce jour, avec 34 pays étudiés. Outre les 27 membres de l’UE, le rapport intègre également trois pays de l’AELE (Islande, Norvège et Suisse) et quatre pays candidats (Bosnie-et-Herzégovine, Albanie, Serbie et Ukraine).
Dans ce rapport, les progrès en matière de maturité open data sont évalués selon quatre axes :
- Politique : les politiques et stratégies open data actuellement en place, les modèles de gouvernance nationaux pour la gestion des données ouvertes et les mesures mises en œuvre.
- Portail : les fonctionnalités des portails open data nationaux, leur adéquation avec les besoins des utilisateurs, la disponibilité des données ouvertes dans différents domaines et la stratégie adoptée pour assurer la pérennité du portail.
- Qualité : les mesures adoptées pour garantir la collecte systématique des métadonnées, le suivi qualité et la conformité avec la norme de métadonnées DCAT-AP, ainsi que la qualité du déploiement des données publiées sur le portail national.
- Impact : la volonté, la préparation et la capacité des pays à évaluer à la fois la réutilisation des données ouvertes et les effets de leur réutilisation.
La dimension politique reste la plus mature, avec un score de 91 % dans l’UE 27, en hausse de 2 % par rapport à 2023. Le critère portail figure en deuxième position, mais est en baisse de 3 % dans l’UE 27 par rapport à l’année précédente. La qualité est le domaine le moins mature, également en baisse de 3 % pour atteindre 79 %. L’impact atteint en revanche 80 %, et passe devant la qualité pour la première fois dans l’UE. Nous analyserons en détail plus loin les scores Portail et Impact afin d’en tirer des enseignements pour les organisations du secteur privé et du secteur public.
Analyser les performances pays par pays
À l’échelle globale, le rapport révèle une progression de la maturité, avec une moyenne qui atteint désormais 80 % dans les 34 pays étudiés, soit une augmentation de 1 % par rapport à 2023. Parmi ces pays, 18 ont vu leur maturité s’améliorer, un est resté stable, tandis que 15 ont enregistré une baisse. Pour 11 d’entre eux, cette diminution est toutefois limitée à moins de 5 %. Par ailleurs, plus des trois quarts des pays obtiennent un score de maturité supérieur à 73 %.
Pour illustrer les différents niveaux de performance, le rapport classe les pays en quatre groupes distincts, accompagnés de recommandations spécifiques :
- Précurseurs (94-100 %) : ce groupe comprend la France, qui arrive à nouveau en tête du classement avec un score de 100 %, suivie par la Pologne, l’Ukraine, la Slovaquie et l’Irlande
- Pays en accélération (83-90 %) : cette catégorie comprend notamment le Portugal, la Serbie et la Norvège
- Suiveurs (74-80 %) : on y retrouve l’Allemagne, la Suède, la Suisse et les Pays-Bas
- Débutants (15-69 %) : ce groupe inclut la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, Malte et l’Islande
Pour consulter l’intégralité des résultats, vous pouvez accéder à la carte complète ici.
Améliorer les fonctionnalités des portails
La baisse des notes attribuées à la catégorie « Portail » s’explique principalement par l’introduction de nouveaux critères et questions sur les fonctionnalités disponibles. Par exemple, certaines questions portant sur des fonctions avancées comme le filtrage ou les options de téléchargement ont été supprimées. Ces modifications soulignent l’importance pour les portails de données de proposer une expérience plus intuitive et qualitative, permettant aux citoyens, entreprises et organismes publics de rechercher et d’accéder facilement aux données nécessaires, dans le format approprié. Les utilisateurs s’attendent désormais à une expérience fluide comparable à celle d’un site de e-commerce, ce qui reste un défi que peu de portails parviennent à relever. Sans amélioration en ce sens, l’usage des portails risque de stagner, car une interface peu engageante décourage l’interaction et la réutilisation des données. Comme le souligne le rapport : « Bien que la disponibilité des données continue de s’améliorer, les fonctionnalités des portails n’ont pas suivi l’évolution des attentes. »
Au-delà d’une interface visuellement attractive, voici les fonctionnalités essentielles que doit proposer un portail :
Une recherche intuitive
Il est vital pour favoriser l’engagement de pouvoir trouver facilement les données recherchées. Les fonctionnalités de recherche doivent donc répondre aux besoins d’un public varié allant de l’expert technique au néophyte, et faire appel aux dernières innovations technologiques telles que la recherche en langage naturel basée sur l’IA, qui est capable d’interpréter l’intention d’une requête. Le portail doit également recommander systématiquement aux utilisateurs d’autres données pertinentes en fonction de leur historique de recherche, afin de leur proposer une expérience plus complète et d’élargir leur usage.
Un accès plus complet aux données
Historiquement, les portails de données ouvertes nationaux mettaient surtout à disposition des données officielles, laissant parfois des lacunes qui obligeaient les utilisateurs à consulter d’autres sites pour obtenir des informations complémentaires. Cette situation évolue progressivement : 17 États membres de l’UE publient désormais des données non officielles sur leur portail, contre seulement 12 en 2023. Cependant, ces avancées doivent s’accélérer pour garantir aux utilisateurs un accès complet et centralisé à toutes les données pertinentes. Cette exigence est d’autant plus cruciale avec l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations imposant un point d’accès national unique dans chaque pays de l’UE.
La promotion active des données de forte valeur (High-value data)
En vertu d’un règlement adopté en 2023, l’UE met en avant le partage public des données de forte valeur (high-value data ou HVD) — autrement dit des informations offrant le plus grand potentiel de bénéfices pour les utilisateurs, les entreprises et la société. Recouvrant des catégories telles que les informations géospatiales, l’observation de la terre et l’environnement, la météo, les statistiques, les entreprises/la propriété des entreprises et la mobilité, les HVD doivent être disponibles gratuitement, lisibles par la machine et accessibles via des API et des téléchargements par lots. Actuellement, 70 % des pays de l’UE mettent ces données en avant à travers des libellés ou des sections dédiées sur leur portail. Cela signifie donc que les 30 % restants doivent rattraper leur retard pour encourager la réutilisation des HVD.
La possibilité d’évaluer les jeux de données
De nos jours, tout le monde s’attend à pouvoir évaluer ses achats ou ses expériences sur un site web, y compris sur les plateformes et portails de données. Cependant, seuls 52 % des pays de l’Union européenne permettent actuellement aux utilisateurs d’évaluer les jeux de données sur leurs portails, généralement via des systèmes d’étoiles ou de notes. Offrir aux utilisateurs la possibilité de partager leur avis est crucial, non seulement pour favoriser leur engagement, mais aussi pour instaurer la confiance des autres utilisateurs et promouvoir une meilleure réutilisation des données. L’évaluation des jeux de données est également utile à leurs propriétaires, qui peuvent l’utiliser pour améliorer les données proposées.
Accroître l’impact des données
Les portails de données nationaux avaient initialement pour vocation d’afficher plus de transparence et de rendre des comptes aux citoyens et aux entreprises en leur communiquant des données sur les activités et les dépenses publiques. Si cette première étape est essentielle, elle est loin d’exploiter tout le potentiel des données. Pour augmenter leur impact sur le long terme, les données ouvertes doivent être traitées, réutilisées et partagées afin de les valoriser au maximum, en les mettant à disposition de différentes manières. Le rapport propose ainsi un certain nombre de mesures pour générer davantage d’impact, notamment :
Mieux comprendre les besoins des utilisateurs
Les gouvernements produisent une quantité considérable de données, ce qui rend parfois difficile la sélection de celles à mettre en avant sur un portail national. Pour y répondre, chaque pays adopte des stratégies variées afin de mieux comprendre les besoins des utilisateurs et ainsi y répondre de manière plus ciblée. La majorité des pays de l’UE ont présenté des exemples de réutilisation de leurs données dans divers domaines. Ainsi, 89 % ont démontré comment leurs données ont contribué à la préservation de la biodiversité, et 85 % ont illustré les gains d’efficacité réalisés. De nombreux pays suivent désormais les données les plus consultées ainsi que les profils des utilisateurs afin de publier et promouvoir des jeux de données similaires, tout en récoltant régulièrement les avis des utilisateurs via des enquêtes. Certains organisent aussi des hackathons pour encourager différents groupes à imaginer de nouvelles idées autour de types de données spécifiques.
Partager les cas de réutilisation
L’une des meilleures manières d’encourager l’utilisation des données est de montrer des exemples concrets de réutilisations déjà réalisées. Ainsi, 89 % des pays de l’UE collectent et partagent désormais ces réutilisations sur leurs portails, et nombreux sont ceux qui ont mis en place des pages dédiées renvoyant vers les contributions des utilisateurs. La diffusion de ces réussites stimule l’innovation et permet de développer une communauté plus large autour des données.
Mesurer l’impact
Lorsqu’elles sont partagées de manière efficace, les données publiques peuvent améliorer l’efficacité, la transparence et l’élaboration des politiques, tout en répondant aux enjeux sociaux, environnementaux et de biodiversité. Mais pour réellement comprendre l’impact des données ouvertes dans ces domaines, chaque État doit avoir défini des indicateurs de performance (KPI) et mesurer ses résultats. Sur une note positive, 82 % des pays ont désormais mis en place une méthodologie d’évaluation, qui les aide à adopter une démarche d’amélioration tant sur le plan stratégique que tactique. En revanche, des progrès restent à faire pour mesurer l’impact de la réutilisation des données : seuls 52 % des pays savent quel est l’impact des données sur les enjeux sociaux et 56 % sur les enjeux environnementaux.
Transformer les portails de données nationaux
Les conclusions du Rapport ODM 2024 de la Commission européenne soulignent les avancées réalisées en matière de partage de données, tout en mettant en évidence les domaines qui nécessitent encore des améliorations. Les gouvernements ont désormais compris qu’il ne suffit plus de publier des données sur leurs portails nationaux. Ils doivent offrir une expérience utilisateur intuitive, adaptée aux besoins de divers publics, avec une ergonomie similaire à celle des plateformes de commerce en ligne. Cette approche permet d’augmenter la consommation des données et d’accélérer leur démocratisation, ce qui génère un impact plus large sur la société et améliore la valeur et le ROI des portails. Alors que de nouvelles réglementations (telles que le Règlement sur la gouvernance des données et le Règlement sur les données) entrent en vigueur dans l’UE et que les projets de création d’espaces de données européens se multiplient, il est aujourd’hui possible, et même essentiel, de moderniser les stratégies et portails de données pour répondre aux besoins d’un futur data-driven.
L’accès à des informations statistiques fiables est crucial pour le bon fonctionnement de l’économie mondiale, permettant aux décideurs politiques et aux entreprises de prendre des décisions éclairées sur des enjeux majeurs. Mais comment les institutions peuvent-elles échanger ces données de manière interopérable, efficace et évolutive, afin de démocratiser l’accès à l’information et de renforcer la confiance ?